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M'hammed MOUNIR, Abdullah Ibn al-Muqaffa'. Du littéraire au politique – محمد أسليـم

M'hammed MOUNIR, Abdullah Ibn al-Muqaffa'. Du littéraire au politique

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M'hammed MOUNIR, Abdullah Ibn al-Muqaffa'. Du littéraire au politique
Abdullah Ibn Al-Muqaffa’ est de souche persane, c’est pourquoi son oeuvre s’inscrit dans le renouveau littéraire, car il s’agit là de la pensée politique, empruntée des perses, notion jusqu’alors nouvelle dans la littérature arabe.
La vie de l’auteur est à cheval entre deux dynasties, celle des Omeyyades et celle des Abbassides. En outre, il possède une culture multiple, celle des Perses de par son origine, celle des Arabes qui est la culture gouvernante et celle des Hindous et/ou des Suriaques par le truchement des traductions dont Bagdad était le carrefour, d’ou‘ l’importance de ce prosateur prodigieux.
Tout le monde sait que la littérature arabe était, avant tout, une littérature de poésie, notamment avant l’avènement du Coran, lequel constituera le premier et le plus grand monument de la prose arabe de tout les temps. Le «fait» coranique, pour reprendre l’expression de Régis Blachère, permettra à la prose arabe de s’épanouir et de connaître sa destinée fulgurante. Ainsi la nécessité de comprendre el Coran et la Tradition (hadîth) incitera le lettrés à cultiver de nombreuses disciplines, à savoir le fiqh (droit canonique), le tafsîr (exégèse), la philologie… Tout cela enrichira une prose existante à l’état embryonnaire, hormis, d’une part, la révélation divine, texte dont l’importance reste, de nos jours, capitale, à tous les points de vue, et d’autre part, les quelques écrits dont l’authenticité continue toujours d’animer des débats.
Un caractère didactique imposant
A l’époque des Omeyyades, un genre de fonctionnaires, les secrétaires, apparaît et aura un rôle important à jouer dans la scène politique et dans le cumul littéraire. Le plus grand de ces kuttâb est «Abdulhamid», maître de «Abdullah» Ibn Al-Muqaffa’ oeuvre que nous étudions est écrite par un kâtib, secrétaire, c’est pourquoi il est capital de s’interroger sur le rôle des kuttâb et sur leur impact sur la fonction du calife dirions-nous aujourd’hui. La prose de l’époque d’Ibn Al-Muqaffa’ moins nouveau et si nous examinons les oeuvres de celui-ci, nous sommes du premier coup frappés par leur caractère didactique. En effet, toutes les épîtres d’Ibn al-Muqaffa’ s’adressent à des personnes réelles ou imaginaires pour inculquer une leçon, dicter une conduite, prôner une discipline. Plusieurs orientalistes ou arabisants furent subjugués par l’oeuvre de notre écrivain. Retenons par exemple la fameuse traduction faite par Charles Pellat à la Rsâla fi al-Sahaba, considérée comme le premier traité de science politique dans le patrimoine écrit des Arabes, ce que les orientalistes appellent la littérature de l’adab. Dans cette Risâla Ibn Al-Muqaffa’ s’adresse à un calife abbasside et lui présente des conseils relevant de l’organisation de l’armée, de l’impôt foncier (Hrâg), de l’obéissance, de la sûrâ…
Il faut mentinner la non moins attrayante traduction d’André Miquel du livre de «Kalila et Dimna», oeuvre d’origine hindoue, qu’Ibn Al-Muqaffa’ a «réécrit» en arabe à partir du persan. Il s’agit de contes d’animaux ou l’on pouvait dégager des moralités et des maximes. Cette même oeuvre fut également traduite par René Khawam à qui nous devons la joie traduction des «Milles et Une Nuits». Notons également le travail de recherche minutieux entrepris par le tunisien Ben Ghazi à la faculté des lettres de Paris en 1957 et dans lequel il relate la vie de l’auteur et explicite les événements qui ont marqué sa vie tout en étudiant ses oeuvres.
Une pensée politique bien élaborée
Plus récente et plus étoffé est la thèse de Hamid Dlimi, professeur à la faculté de droit de Rabat, soutenue à Paris, il y a une dizaine d’années et dans laquelle il démontre que les oeuvres d’Ibn Al-Muqaffa’ constituent «la genèse de la science politique en terre d’Islam». Celui-ci dans l’introduction générale de la thèse, déplore les lacunes sur le plan de la recherche de la pensée politique musulmane. En effet, il estime que si des penseurs musulmans ont fait l’objet d’une étude scientifique, de la part surtout des orientalistes, beaucoup d’autres grand hommes restent à étudier notamment au niveau de leur pensée politique. «Ibn Al-Muqaffa’», poursuit Hamid Dlimi, est l’une de ces figures qui permet de comprendre l’évolution du monde médiéval». En effet, l’importance des écrits d’Ibn Al-Muqaffa’ prend beaucoup plus l’ampleur si nous considérons le contexte historique, témoin de plusieurs rebondissements décisifs qui rythmeront le devenir de l’histoire arabo-musulmane.
Par ailleurs, parmi les questions brûlantes qui nous intriguent et qui restent toujours d’actualité, soulignons le problème du patrimoine arabo-musulman dans sa totalité. Celle-ci, dont tout le monde évalue la richesse, est d’abord décortiquée et étudiée par les orientalistes puis présentée au public arabe et non arabe. C’est el cas du grand penseur arabe Ibn Khaldoun que les arabes ne découvrirent qu’au XIXème siècle grâce au orientalistes. C’est le cas aussi du premier dictionnaire arabe, le fameux Kitâb al-ayn de Al-Khalil bnu Ahmad al-Frâhidî qui fût mis au point par le célèbre orientaliste anglais Krenko ou encore le cas de la classification chronologique de la littérature arabe établie par le grand orientaliste allemand Karl Brokelmann, et la liste est encore longue…

Il va sans dire que les sources de nos bibliothèques ne sont pas encore triés et beaucoup de textes attendent qu’ils soient mis au point. En effet, rien que pour la seule bibliothèque de la Grande Mosquée de Meknès, fondée à l’époque des mérinides, il y a quelques quatre cents titres de manuscrits qui attendant d’âtre consultés. Que dire alors de la Bibliothèque Al-Qaraouiyine? Et celle de la Grande Mosquée de Taza et les autres villes du Royaume? Et celles des autres pays arabes? Nous espérons que dans ce moment crucial que traverse la nation arabe, des gens de bonne volonté, décideurs politiques ou hommes de science se penchent avec vigueur pour revaloriser nos trésors qui sombrent dans des bibliothèques en consultant les manuscrits qui ont beaucoup à nous dire.

M’hammed MOUNIR
Article paru dans le quotidien A-Bayane du Mercredi 4 Avril 2001.

الكاتب: محمد أسليـم بتاريخ: السبت 08-09-2012 10:34 مساء
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